Dans une indivision, l’occupant d’un bien indivis ou celui qui en fait un usage exclusif ou privatif peut être redevable envers les autres indivisaires d’une somme qualifiée d’indemnité d’occupation.
La question de l’indemnité d’occupation est source de débats importants.
L’indemnité d’occupation est ainsi définie par l’article 815-9 alinéa 2 du Code Civil :
« L’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité. »
La Cour de Cassation énonce que la jouissance privative au sens de l’article 815-9 du Code Civil résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d’user de la chose, notamment par la non détention des clés, le changement des serrures etc…
Dans de telles circonstances, une indemnité peut être demandée à l’indivisaire jouissant du bien indivis à compter de la naissance de l’indivision jusqu’à sa cessation.
La finalité de l’indemnité d’occupation est de réparer le préjudice causé à l’indivision par la perte des fruits et revenus en s’y substituant.
Le montant de l’indemnité d’occupation est déterminé au regard de la valeur locative du bien indivis, même si certaines jurisprudences ont pu retenir d’autres critères d’évaluation.
Une fois son montant déterminé, l’indemnité d’occupation est due à l’indivision et non aux indivisaires puisque celle-ci est comparable à un revenu.
Si les caractéristiques de l’indemnité d’occupation due dans le cadre d’une indivision semblent bien établies, un arrêt conduit à s’interroger sur les principes dégagés.
C’est ce qui résulte d’un arrêt de la Cour d’Appel du 5 février 2020 (Aix-en-Provence, 2ème et 4ème chambres réunies n° 19/09892).
Dans ce cas d’espèce, Madame B. et Monsieur M. sont propriétaires indivis d’une maison à usage d’habitation.
Mme B. a assigné le 20 février 2019 Mr M. devant le Président du tribunal de grande instance de Toulon, statuant en la forme des référés, afin d’obtenir, sur le fondement de l’article 815-9 du Code civil :
- la fixation d'une indemnité d’occupation à hauteur de la somme mensuelle de 900 € ;
- la condamnation de Mr M. à verser à l’indivision à titre provisionnel, la somme de 10 800 € pour la période du 1er février 2018 jusqu’au 1er février 2019 ;
Mr M. s’opposait à ces demandes expliquant que Mme B. avec laquelle il vivait en concubinage depuis de nombreuses années et avec laquelle il avait eu trois enfants avait quitté le domicile familial depuis le mois de février 2018.
Le 11 juin 2019 une ordonnance a été rendue en vertu de laquelle il a été jugé que Mr M. est redevable d’une indemnité d’occupation envers l’indivision depuis le 1er mars 2017, sans interruption, jusqu’au partage ou libération des lieux et l’a fixée à la somme mensuelle de 680 € au titre de l’occupation privative du bien.
Mr M. a en outre été condamné aux arriérés sur la période du 1er mars 2017 au 1er mars 2019.
Mr M. a interjeté appel de cette décision.
Dans son arrêt du 5 février 2020, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence infirme l’ordonnance du 11 juin 2019 et juge en termes suivants :
« Sur la demande au titre de l’indemnité d’occupation
Il n’est pas contesté que M. M. occupe seul le bien qui constituait le domicile familial et que Mme B. n'y réside plus depuis février 2018. Mme B. n’évoque nullement un départ qui lui aurait été imposé par son concubin mais une mésentente du couple.
Aux termes de l’article 815-9 du code civil l’indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Le fait non contesté que M. M. occupe seul le bien commun depuis le départ de Mme B. ne suffit pas à caractériser une occupation privative. Il appartient en effet à Mme B. de démontrer qu'elle se trouve, du fait de M. M., dans l’impossibilité de fait ou de droit d’occuper également le bien.
Elle fait valoir qu’elle ne dispose pas des clés du logement et qu’il n’est pas envisageable, alors que le couple est séparé, de lui imposer une cohabitation.
S’agissant de l’allégation selon laquelle elle ne disposerait pas des clés elle n’est pas suffisamment établie alors que le logement occupé par M. M. constituait le domicile familial dont elle disposait nécessairement des clés au temps de la vie commune. Elle ne prétend pas que les serrures ont été changées depuis son départ, lui interdisant l’accès. Dès lors, sauf à ce que contrairement à ce qu’elle prétend elle dispose toujours des clés, elle ne peut s’en être dessaisie que volontairement, au moment de son départ du domicile familial. Une telle situation n’est donc pas le fait de Mr M.».
Il résulte de cet arrêt, qu’il n’y a pas d’indemnité d’occupation pour l’ex-concubine qui a quitté le logement indivis et qui ne rapporte pas la preuve de l’impossibilité de fait ou de droit pour elle d’occuper le bien.
Ainsi, chaque cas doit être analysé pour déterminer si une indemnité d’occupation peut être mise à la charge de l’indivisaire qui occupe le bien indivis.
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