L’article 651 du Code Civil stipule : « La loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention ».
Cet article concerne la responsabilité pour troubles anormaux du voisinage.
Dans un arrêt du 19 novembre 1986, le principe suivant a été posé : « nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage ».
Par la suite, la notion pour troubles anormaux de voisinage a été progressivement enrichie par la jurisprudence qui n’a eu de cesse de réaffirmer des principes en les affinant.
La responsabilité pour troubles anormaux du voisinage est une responsabilité civile spécifique, régie par ses propres règles.
Elle est par conséquent autonome par rapport à la responsabilité civile de droit commun.
Il est question de troubles anormaux de voisinage lorsqu’un dommage est causé à un voisin.
Ces troubles se rencontrent dans une multitude de situations et doivent excéder les inconvénients ordinaires du voisinage.
Les troubles anormaux de voisinage peuvent consister en :
- des bruits (aboiements de chiens, cris de coq et autres bruits) ;
- des fumées ;
- des odeurs ;
- des racines d’arbres qui entraînent des boursouflures dans la propriété voisine ;
- la présence de feuilles mortes nuisant au bon écoulement des eaux ;
- une construction entrainant une perte d’ensoleillement ;
La spécificité de la notion de troubles anormaux du voisinage réside dans le principe selon lequel, l’existence d’une faute de l’auteur du dommage n’est pas requise.
Ainsi, il n’y a pas à prouver une faute, l’existence d’un dommage se suffisant à lui-même pour établir le trouble anormal de voisinage et entraîner par conséquent, la mise en jeu de la responsabilité de son auteur.
La notion de voisinage s’est elle aussi enrichie à travers la jurisprudence, celle-ci peut concerner un non-voisin, un propriétaire bailleur au lieu de son locataire occupant ou un entrepreneur ayant exécuté des travaux.
Un arrêt du 16 mars 2022 (Cass. Civ. 3ème n° 18-23.954 FS-B) illustre l’extension de la notion du trouble anormal de voisinage au nouveau propriétaire d’un bien dont la responsabilité a été retenue pour des désordres antérieurs à son acquisition.
Dans le cas d’espèce, Mme EZ et Mr IZ (les consorts Z) sont respectivement usufruitière et nu-propriétaire d’un pavillon qui constitue l’habitation principale de Mme Z, assurée en multi-risques habitation auprès de la société Filia-Maif.
Le 26 janvier 2007, le pavillon voisin a été vendu à Mr et Mme F, assurés à compter du même jour auprès de la société Axa France IARD.
Le 3 mars 2007, Mme Z a déclaré à son assureur un sinistre dégâts des eaux dans son pavillon, puis a assigné, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, Mr et Mme F, les propriétaires actuels du pavillon voisin, ainsi que leurs vendeurs, les consorts G et la société Axa en réalisation des travaux rendus nécessaires par les infiltrations et en paiement de dommages-intérêts.
Les propriétaires actuels Mr et Mme F ont, suivant arrêt de la Cour d’Appel de PARIS du 5 septembre 2018, été déclarés responsables, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, des désordres affectant le pavillon de Mme Z dans la proportion de 60 % et condamnés au paiement de diverses sommes.
La Cour d’appel a par ailleurs rejeté les demandes de Mr et Mme F contre leur assureur, aux motifs que « le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, en l’espèce les fuites sur le réseau des canalisations enterrées de la propriété de Mr et Mme F, dont l’origine remonte à 1997 et 2005, soit antérieurement au 25 janvier 2007, date de prise d’effet de l’assurance multirisques habitation ».
Mr et Mme F ont alors formé un pourvoi en cassation.
La Cour de Cassation dans son arrêt du 16 mars 2022 prononce une cassation partielle et affirme : « L’ action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, responsable de plein droit (pt 8), et en conclut que la responsabilité des voisins devait être retenue, le fait qu’ils n’aient pas été propriétaires de ce fonds au moment où les infiltrations avaient commencé à se produire n’étant pas dirimant (pt 9) ».
Il résulte de cet arrêt que les propriétaires d’un immeuble, bien que récemment acquéreurs, sont responsables, indépendamment de toute faute, des troubles anormaux de voisinage causés au pavillon voisin, peu importe que ces troubles aient débuté bien avant leur achat.
Par conséquent, le propriétaire actuel d’un bien est tenu pour responsable des troubles causés, alors même que les désordres sont antérieurs, qu’il n’en est pas directement à l’origine et qu’il n’a pas commis de faute.
Il s’agit là de l’application objective de la responsabilité du fait d’un trouble anormal du voisinage qui est une responsabilité de plein droit.
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