1. Maître Caroline Bourghoud
  2. L'indivision
  3. Indivision et action en justice
Retour

Indivision et action en justice

L’indivision est une situation juridique dans laquelle deux ou plusieurs personnes disposent de droits de même nature sur un même bien, qu’il s’agisse d’un bien meuble ou immeuble, sans qu’aucune d’entre elles n’ait de droit exclusif sur une partie déterminée.

L’indivision est une propriété collective dans laquelle ses membres ou coindivisaires sont propriétaires d’une quote-part du biens indivis. 

Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination.

Si le bien indivis est générateur de fruits et revenus, l’indivisaire a droit à une quote-part de ceux-ci au prorata de ses droits dans l’indivision. 

Chaque indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices.

Chaque indivisaire a des prérogatives sur sa quote-part et peut ainsi, sous réserve du respect de certaines conditions, la vendre, en faire donation ou l’hypothéquer.

La nature de propriété collective inhérente à une indivision peut se heurter aux intérêts individuels de ses membres ou coindivisaires. 

Les coindivisaires ayant chacun la possibilité d’accomplir certains actes juridiques, une conciliation est à trouver entre d’une part, leurs droits individuels et d’autre part, leur intérêt commun dans la gestion de l’indivision. 

L’indivision n’a pas de personnalité morale et donc pas de représentant légal, sauf mandat exprès donné à l’un des coindivisaires.

Il en résulte que l’indivision ne peut pas agir en justice. 

En revanche, chaque coindivisaire a le droit d’agir en justice mais pas au nom des autres, uniquement en son nom propre.

Une question récurrente concerne les actions en justice relatives à une indivision.

Il est de principe qu’une action en justice nécessite l’accord de tous les indivisaires et doit par conséquent être entreprise par tous, sauf s’il s’agit de mettre en œuvre une mesure conservatoire.

Cependant, dans certaines circonstances, la règle de l’unanimité des indivisaires pour initier une action en justice peut être écartée.

C’est ce qu’illustre un arrêt rendu le 23 octobre 2024 (Civ. 1ère F-B n° 22-16.171).

Dans le cas d’espèce, Mme R E est décédée le 10 mars 2014 et était locataire d’un appartement appartenant à la société M…

Sa fille, Mme J B, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’héritière et de représentante de l’indivision successorale, a assigné la société M.. ainsi que les compagnies d’assurance H et F en réparation du trouble de jouissance et du préjudice moral subis tant par elle-même que par Mme R E, à la suite de divers dégâts des eaux survenus dans le bien donné à bail courant 2012 et 2013. 

Un jugement a mis hors de cause la compagnie F.

Mme B a fait appel du jugement en sa qualité d’héritière et a limité le montant de sa demande au quart de la créance indemnitaire correspondant à sa part dans la succession. 

Par arrêt du 16 novembre 2021 Mme J B a été déclarée irrecevable en ce qu’elle agit en tant qu’héritière de Mme R E et que son action porte sur l’inexécution d’une obligation contractuelle ouvrant un droit indivis à indemnisation qu’il n'est possible d’apprécier que pour le tout et qui doit profiter à l’ensemble de l’indivision successorale qu’elle a vocation à accroître tant que le partage n’a pas eu lieu.

Mme J B a formé un pourvoi en cassation.

Dans l’arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de cassation a cassé l’arrêt du 16 novembre 2021 en énonçant :
« … en raison de la nature pécuniaire de son objet, une créance indemnitaire est par essence divisible ; que pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme J B en sa qualité d'héritière de sa mère, l'arrêt attaqué retient que la créance dont elle demandait le paiement portant sur un droit indivis à être indemnisé constitue un tout qui n'est pas divisible et que l'appréciation de la responsabilité au regard des dommages subis ne peut se faire que pour ce tout" ; qu'en statuant ainsi, quand la créance d'indemnisation litigieuse, fondée sur une inexécution contractuelle, constituait une créance monétaire de plein droit divisible, la cour d'appel a violé l'article 1220 ancien, devenu l'article 1309 du code civil ;
En tout état de cause, que chaque cohéritier a le pouvoir d'accomplir seul, avant partage, les actes d'administration de la créance et d'agir en recouvrement dans la limite de sa part ; que pour déclarer irrecevable l'action engagée par Mme J B en sa qualité d'héritière de sa mère, l'arrêt retient que l'action porte sur une inexécution … qu'en statuant ainsi, quand Mme J B avait avant le partage le pouvoir d'agir seule en recouvrement de la créance indemnitaire de sa défunte mère dans la limite de sa part, la cour d'appel a violé l'article 1220 ancien, devenu l'article 1309 du code civil, ensemble 883 du code civil.
Il en résulte que la créance de dommages et intérêts réparant le préjudice causé par l'inexécution d'une obligation contractuelle est divisible quand bien même l'obligation inexécutée ne l'était pas.
Il s'en déduit que chaque héritier peut demander au débiteur le règlement de sa part d'une créance indemnitaire du défunt. »

Il s'ensuit de cet arrêt que les héritiers du créancier peuvent agir individuellement contre le débiteur pour obtenir le paiement de leur part, avant même que le partage ait été réalisé lorsqu’une créance monétaire est incluse dans l’indivision successorale.

Si le défunt avait de son vivant un droit à indemnisation, ses héritiers peuvent, à titre individuel, le revendiquer en justice au prorata de leur part.

Dans ce cas précis, les deux régimes juridiques suivants se superposent :

- Le droit des successions, dans lequel les sommes d’argent du défunt font partie de l’indivision successorale.
- Le doit des obligations et plus particulièrement, l’article 1309 du Code Civil qui stipule : 
« L’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux. 
La division a lieu également entre leurs successeurs, l'obligation fût-elle solidaire. Si elle n'est pas réglée autrement par la loi ou par le contrat, la division a lieu par parts égales.
Chacun des créanciers n'a droit qu'à sa part de la créance commune ; chacun des débiteurs n'est tenu que de sa part de la dette commune.
Il n'en va autrement, dans les rapports entre les créanciers et les débiteurs, que si l'obligation est solidaire ou si la prestation due est indivisible. »

Dans son arrêt du 23 octobre 2024, la Cour de Cassation a fait prévaloir l’application de l’article 1309 du Code Civil en permettant à l’héritière d’agir en justice pour son propre compte et solliciter le paiement du prorata de sa part.

Cependant, le dédommagement obtenu par l’héritière sera inévitablement pris en compte lors des opérations de partage.

Enfin, en ce qui concerne les actions en justice, deux situations sont à distinguer.

Un indivisaire peut, à titre individuel, exercer une action en justice en qualité de demandeur contre un tiers, tel qu’évoqué supra.

En revanche, lorsqu’un tiers veut exercer une action en justice, il doit l’initier à l’encontre de tous les coindivisaires et pas uniquement contre l’un d’eux.
A défaut, la décision de justice serait inopposable aux autres indivisaires s’ils ne sont pas mis en cause dans la procédure.

Le cabinet de Maître BOURGHOUD, avocat à MARSEILLE, peut vous conseiller sur ce point. Vous pouvez nous contacter par courriel ou par téléphone.

Nous écrire
Les champs indiqués par un astérisque (*) sont obligatoires

Nos
Engagements

Suivi
Suivi
Conseils
Conseils
Sérieux
Sérieux
Disponibilité
Disponibilité
Réactivité
Réactivité