L’article 1242 du Code civil est relatif à la responsabilité du fait d’autrui.
La responsabilité du fait d’autrui est une responsabilité spécifique qui a pour finalité l’obligation de réparer le préjudice causé par les personnes dont on doit répondre parce qu’on a la charge d’organiser, de diriger et de contrôler leur activité.
Ainsi, la victime d’un dommage (délit ou d’un quasi-délit) pourra entreprendre une action en réparation contre l’auteur du dommage mais dans certains cas, contre la personne communément dénommée le civilement responsable.
Diverses hypothèses de responsabilité pour autrui sont envisagées par l’article 1242 du Code civil.
L’alinéa 4 de cet article stipule : « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. »
Il en résulte que les parents sont civilement responsables du fait dommageable de leur enfant mineur et devront en réparer les conséquences.
L’alinéa 4 de l’article 1242 du Code civil exige la réunion de quatre conditions pour engager la responsabilité des parents du fait des agissements dommageables de leur enfant mineur.
Durant de très nombreuses années, la condition de cohabitation des parents avec leur enfant mineur était exigée pour engager leur responsabilité.
La cohabitation suggérait alors un pouvoir de surveillance et d’éducation des parents envers leur enfant mineur.
Le régime de la responsabilité des parents est une responsabilité de plein droit ou présomption de responsabilité.
Seule la preuve de la cause étrangère, la force majeure ou la faute de la victime peut exonérer les parents.
Pour engager la responsabilité des parents, la condition de cohabitation de ceux-ci avec leur enfant mineur a longtemps été requise mais faisait l’objet d’âpres débats notamment, lorsque ce dernier se trouvait dans un centre médico-pédagogique ou en pensionnat.
La notion de cohabitation a évolué et une jurisprudence abondante sur la question s’est forgée jusqu’à un revirement qui retient désormais la condition d’exercice de l’autorité parentale.
Ce revirement résulte d’un arrêt rendu le 28 juin 2024 (Cass. Ass. Plénière n° 22-84760).
Dans le cas d’espèce, un mineur de dix-sept ans avait volontairement causé de multiples incendies entraînant de lourds préjudices.
Au moment des faits, la résidence habituelle de l’adolescent était fixée chez sa mère, divorcée.
Sollicité en garantie, l’assureur du père du mineur, auprès duquel se trouvait le jeune homme au moment des incendies au titre d’un droit d’hébergement, a opposé un refus aux victimes.
Un tribunal pour enfants a déclaré l’adolescent coupable d’infractions et s’est prononcé sur les intérêts civils en déclarant ses parents, Mme I X chez laquelle sa résidence était fixée au moment des faits, et Mr P L civilement responsables.
Mr P L a relevé appel de cette décision qui l’a déclaré civilement responsable de son fils en soutenant qu’au moment des faits commis par le mineur, sa résidence était, par application de la convention portant règlement des effets du divorce de ses parents, toujours fixée au domicile de sa mère.
Par arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, le jugement précité a été infirmé au motif qu’au moment des faits commis par le mineur, sa résidence était toujours fixée au domicile de sa mère.
La Cour d’Appel n’a retenu que la seule condamnation de la mère sur le fondement de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil.
La mère et son assureur ont alors formé un pourvoi en cassation.
Ils reprochent à la Cour d’Appel de ne pas avoir retenu la responsabilité du père de l’adolescent.
La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel en ces termes :
"… L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à interpréter désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs, et à juger désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l'égard duquel ils exercent conjointement l'autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administrative ou judiciaire confient ce mineur à un tiers.
Il en résulte que les deux parents, lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale à l'égard de leur enfant mineur, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l'enfant n'a pas été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire."
Les parents séparés exerçant conjointement l’autorité parentale sont désormais tous deux responsables des dommages causés par leur enfant mineur, même si celui-ci ne réside que chez l’un d’eux.
Dans son arrêt du 28 juin 2024, la Cour de Cassation fait évoluer sa jurisprudence sur la responsabilité des parents séparés, titulaires de l’autorité parentale, du fait des dommages causés par leur enfant mineur en formulant dorénavant que lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale à l’égard de leur enfant mineur, les deux parents sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci.
Plus précisément, il y a une responsabilité de plein droit des parents titulaires de l’autorité parentale, y compris pour celui qui bénéficie d’un simple droit de visite et d’hébergement.
La condition de cohabitation posée par l’article 1242 alinéa 4 du Code civil n’est plus requise.
Cet arrêt qui constitue un revirement de jurisprudence conforte la coparentalité dans la mesure où, la condition de cohabitation du parent avec l’enfant mineur n’est plus exigée, celle-ci s’effaçant devant l’exercice conjoint de l’autorité parentale.
Enfin, cet arrêt s’inscrit dans un renforcement des droits de la victime qui pourra se retourner contre les assureurs des deux parents, tel que cela est prévu par l’article 121-2 du Code des assurances qui stipule :
" L'assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l'assuré est civilement responsable en vertu de l’article 1242 du code civil, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes. "
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