L’article 1102 alinéa 1 du Code civil définit le contrat comme un engagement qui permet de contracter ou de ne pas contracter, de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites fixées par la loi.
Cette liberté dans le droit des contrats permet aux futurs cocontractants de déterminer la teneur des clauses à insérer dans leur engagement.
Un contrat contient nécessairement des clauses usuelles telles, l’identité des parties, l’objet du contrat, la date d’effet, la durée, les conditions de renouvellement, le prix du produit ou de la prestation et diverses modalités y afférentes, les obligations respectives des parties, les sanctions en cas de défaillance, les conditions de la résolution du contrat etc…
Les cocontractants peuvent insérer une multitude d’autres clauses telles, une clause de résolution des litiges, une clause de confidentialité, des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité etc…
En ce qui concerne les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité stipulées dans un contrat, leur validité est communément admise.
Ces clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité permettent aux cocontractants de prévoir les conséquences résultant de l’inexécution ou de la défaillance de l’un d’eux au regard des obligations qui lui incombe.
La clause limitative de responsabilité fixe un plafond à la responsabilité du débiteur en cas d’inexécution, d’inexécution défectueuse ou de retard dans l’exécution du contrat.
Il existe des limites légales et jurisprudentielles aux clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité.
En ce qui concerne le tiers, celui-ci est en principe étranger au contrat.
Le principe de l’effet relatif des contrats signifie que celui-ci ne peut ni nuire ni profiter aux tiers, ceux-ci n’étant pas concernés par les obligations contenues dans un contrat (article 1199 du Code civil).
Ce principe peut être contredit dans certaines circonstances, notamment lorsque le contrat, du fait de sa mauvaise exécution, engendre des conséquences malencontreuses envers un tiers.
En pareil cas, le contrat devient opposable aux tiers qui peuvent, en vertu de l’article 1200 alinéa 2 du Code civil, s’en prévaloir pour apporter la preuve d’un fait.
Le raisonnement applicable est le suivant ; le cocontractant qui a mal exécuté ses obligations contractuelles et a provoqué des conséquences dommageables aux tiers permet à ceux-ci de s’en prévaloir.
Ainsi, le tiers au contrat peut obtenir la réparation des dommages subis du fait de l’inexécution du contrat.
Il s’agit là d'une jurisprudence inaugurée en 2006 et réitérée en 2020.
Dans un arrêt du 13 janvier 2020 (Cass. as. Plén. n° 17-19.963) il a été jugé :
« Le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » (confirmation de l’arrêt Boot shop Myr’Ho du 6 octobre 2006).
Ce schéma juridique relatif à l’opposabilité du contrat par un tiers a été bouleversé par un arrêt rendu le 3 juillet 2024 (Cass. com. n° 21-14.947).
Dans ce cas d’espèce, la société A…. spécialisée dans la production de machines fabriquant des emballages, a fait transporter plusieurs machines d’Italie en France en vue de leur exposition dans un salon professionnel à Paris.
Par contrat passé en novembre 2014, la société A … a confié à la société C…. la manutention et le déchargement de ces machines à l’issue de leur transport.
L’une des machines a été endommagée alors qu’elle était manipulée par un employé de la société C…..
La société A …. a obtenu une indemnité de son assureur.
Subrogée dans les droits de son assurée, la société d’assurance a assigné la société C … en paiement de dommages et intérêts.
La société C … a relevé appel du jugement ayant accueilli cette demande en invoquant une clause limitative de responsabilité issue des conditions générales du contrat conclu entre les deux sociétés en novembre 2014.
L’affaire a été débattue à l’audience devant la Cour d’Appel de PARIS le 25 juin 2020 et en cours de délibéré, les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la nature délictuelle et non contractuelle de l’action ainsi exercée par l’assureur.
Par arrêt du 21 janvier 2021 rendu par la Cour d’Appel de PARIS, la société C …. a été condamnée à régler à l’assureur la somme de 100 000 €, majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2016.
La Cour a refusé de faire application des clauses limitatives de responsabilité en considérant que celles-ci sont inopposables en pareille situation.
La société C … a formé un pourvoi en cassation en soutenant que les clauses limitatives de responsabilité auraient dû être pleinement applicables en l’espèce.
La Cour de cassation casse l’arrêt précité en énonçant :
« …le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. plén., 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén, n° 9) et que s'il établit un lien de causalité entre ce manquement contractuel et le dommage qu'il subit, il n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement (Ass. plén. 13 janvier 2020, pourvoi n° 17-19.963, publié au bulletin).
13. Pour ne pas déjouer les prévisions du débiteur, qui s'est engagé en considération de l'économie générale du contrat et ne pas conférer au tiers qui invoque le contrat une position plus avantageuse que celle dont peut se prévaloir le créancier lui-même, le tiers à un contrat qui invoque, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel qui lui a causé un dommage peut se voir opposer les conditions et limites de la responsabilité qui s'appliquent dans les relations entre les contractants. »
Il résulte de cet arrêt que l’action du tiers revêt le caractère habituel de la mise en jeu de la responsabilité délictuelle à l’encontre du cocontractant défaillant mais aussi un aspect contractuel dans la mesure où, indépendamment du manquement contractuel, il se voit opposer les clauses limitatives de responsabilité stipulées dans le contrat.
Ainsi, des clauses limitatives de responsabilité stipulées entre des parties à un contrat peuvent s’appliquer à des tiers.
Le cabinet de Maître BOURGHOUD, avocat à MARSEILLE, peut vous conseiller sur ce point. Vous pouvez nous contacter par courriel ou par téléphone.